Le décret Crémieux – par Benjamin Stora

« Inscrit dans la vaste histoire du judaïsme méditerranéen, le destin des juifs d’Algérie bascule à la fin du XIXe siècle, non sans conséquences au siècle suivant, sur les relations entre juifs et musulmans dans les aires colonisées du Maghreb. Lorsque les premiers soldats français débarquent dans la baie de Sidi Ferruch, les juifs d’Algérie sont alors organisés en « nation », terminologie reprise du terme de millet de l’administration ottomane.
La communauté juive d’Algérie, en 1830, compte vingt-cinq mille personnes, la plupart très pauvres. Les réactions des juifs à l’égard du développement colonial sont très différentes suivant les régions. Au contraire de leurs coreligionnaires nomades et ruraux du Constantinois, les juifs de la région d’Alger et ensuite d’Oran se situent aux avant-postes de l’acceptation de la présence française. Alors que ceux que les Français appellent les « indigènes » musulmans se retirent dans l’intérieur des terres pour ne pas avoir de contacts avec l’occupant, les juifs d’Alger tentent très vite de se mêler aux soldats français pour commercer avec eux.
Le gouvernement de Louis-Philippe a gardé en mémoire l’exemple de l’assimilation des juifs européens lors de la Révolution française et l’attitude de neutralité qu’ils adoptent pendant la conquête de l’Algérie incite les autorités françaises à prêter une grande attention à cette minorité en qui elles espèrent trouver un soutien. Le 9 novembre 1845, l’ordonnance royale de Saint-Cloud applique à l’organisation religieuse du judaïsme algérien la législation française, créant un consistoire central à Alger, comme Napoléon Ier l’avait fait pour les juifs de France au début du XIXe siècle. Cette ordonnance instaure également un consistoire provincial à Oran et un autre à Constantine.
La France s’engage réellement sur la voie de l’assimilation des juifs d’Algérie avec le décret Crémieux qui fera grand bruit. Ce décret du 24 octobre 1870 porte la signature de plusieurs membres du gouvernement de la défense nationale : Gambetta, Glais-Bizoin, Crémieux, Fourichon. Il est le produit d’un long combat. » {Page 286}

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